Hugard de la Tour, Le Mont-Blanc vu du Gramont, 1853
L’exposition > Les ingénieurs des mines et la glaciologie
Le Mont-Blanc, décor familier
De 1802 aux défaites napoléoniennes, l’Ecole s’installe au pied du Mont-Blanc, près d’une mine argentifère. Schreiber en est le directeur, l’enseignement est assuré par Hassenfratz, Baillet et Brochant de Villiers. Les élèves, comme Héricart de Thury, se familiarisent avec l’environnement des glaciers en étudiant les gisements à proximité.
De retour à Paris, les plus grands reliefs et glaciers demeurent leur “paysage” quotidien grâce aux décors de l’escalier des collections, finalisés en 1859 par Hugard de la Tour. Sur commande du directeur Dufrénoy, le peintre met en œuvre un art au service de l’enseignement, inspiré des travaux de Saussure et Ramond sur les Alpes et les Pyrénées.
L’Ecole des mines du Mont-Blanc
Schreiber, directeur de l’Ecole
Vacca, Luiggi. Portrait de Jean-Godefroy Schreiber (1746-1827), directeur de l’École des mines du Mont-Blanc et de la mine de Pesey. s. d.
Formé à l’Académie de Freiberg, Schreiber travaille d’abord dans l’administration des mines en Allemagne avant d’être recruté en 1777 par le comte de Provence pour diriger les mines d’or et d’argent du Dauphiné.
Il est chargé en 1802, de diriger conjointement l’Ecole des mines du Mont-Blanc et la mine de plomb argentifère de Pesey abandonnée depuis 1792. Après les défaites napoléoniennes il refuse de continuer cette tâche pour le Royaume de Savoie. Inspecteur divisionnaire de l’arrondissement minéralogique de Grenoble en 1816, il est fait chevalier de la Légion d’honneur et naturalisé français en 1820.
Récit de l’élève Héricart de Thury
Portrait d’Héricart de Thury. s. d. Cote : CCL photographies des enseignants, lettre H.
Héricart de Thury, membre de l’Académie des sciences et député de l’Oise, est aussi connu pour avoir créé le musée des catacombes, alors qu’il était inspecteur général des carrières de Paris.
Quand il rédige la lettre ci-dessous, il n’est encore qu’élève de l’Ecole des mines du Mont-Blanc. Souffrant de problèmes de santé, il rend cependant compte des expéditions qu’il a menées pour reconnaître les ressources exploitables et notamment ici la mine abandonnée du Sault et le glacier de Gébrulaz. Il publie plus tard ses observations dans les Annales des mines, en 1806.
Dans le cadre de l’Ecole du Mont-Blanc les glaciers et leur environnement sont envisagés comme sources de richesses minières exploitables ou comme objets géologiques, ainsi que le laisse comprendre son texte :
« J’ai visité une ancienne mine que les citoyens Berthier et Calmelet ont été voir depuis (…) J’ai trouvé également au centre d’un glacier voisin une masse de chaux carbonatée fétide, coupée de chaux sulfatée et de beau soufre, mais je n’ai pu découvrir de cristaux de ce dernier. »
— Héricart de Thury —
Héricart de Thury, Louis-Etienne. 21 août 1802. « Lettre à Gillet de Laumont membre du Conseil des mines ». Cote : MS 64/II/156. Fonds privé de M. Gillet de Laumont.
Source : Bibliothèque patrimoniale numérique de Mines Paris – PSL
Les travaux de l’École des mines du Mont-Blanc : une réussite !
Pierre Allent, militaire chargé de missions topographiques, fait ce rapport à la direction de l’administration des mines de l’Empire :
« Cette école dont l’objet est de former les élèves, non seulement à la théorie mais à la pratique, est chargée d’exploiter des mines et une fonderie dont les produits sont affectés à ses dépenses. (…) la mine (…), donne graduellement depuis l’an XI, 42, 47, 60 et 66 pour cent de métal et rapporte 42, 142, 146, 206 et cette année enfin 286 milles francs, de sorte que l’école tout à la fois, perfectionne l’art qu’elle enseigne et trouve dans les progrès de nouvelles ressources pour le perfectionner. »
— Pierre Allent —
La lettre confirme une réussite déjà entérinée. En effet, au-delà de la mine de Pesey, par décret du 13 décembre 1804, c’est un domaine de 4500 km2 qui est attribué à l’établissement avec autorisation d’y exploiter les mines et usines qui s’y trouvent.
Allent, Pierre. 1806. « Lettre à Gillet-de-Laumont, membre du Conseil des mines, sur les résultats obtenus par l’École des mines du Mont-Blanc ». Cote : MS 64/II/11/e. Fonds privé de M. Gillet de Laumont.
Source : Bibliothèque patrimoniale numérique de Mines Paris – PSL
Les analyses du Laboratoire de Pesey
Dans un souci scientifique et d’efficacité économique, un laboratoire est installé au sein de l’établissement pour analyser les échantillons provenant des filons et des industries métallurgiques locales. C’est également un outil de l’enseignement pratique complétant les cours théoriques délivrés aux élèves dans l’ancien séminaire de Moutiers.
129 expériences sont recensées dans ce registre.
Sur cette double page, on remarquera au n°66, les résultats des essais faits sur l’argent de diverses mines du département du Mont-Blanc.
École des mines du Mont-Blanc. 1809. Registre des essais et analyses faits dans le laboratoire de Pesey (1804-1812). Laboratoire de l’École des mines à Pesey, en Savoie. Cote : EMP LAB.ESS/14.
Source : Bibliothèque patrimoniale numérique de Mines Paris – PSL
L’Argent des sommets
En 1805 est réalisée une médaille commémorative de l’Ecole du Mont-Blanc. Brenet représente le Mont-Blanc sous la forme d’un géant barbu assis, dont le crâne touche les nuages et les pieds baignent dans les flots où nagent des poissons qui remontent le cours de sa barbe. Il figure ainsi les torrents, rivières, neiges et glaciers dans une vision encore hostile des montagnes. Par contraste, les deux petits personnages creusant la roche en bas à gauche signalent l’activité minière en cours, combat de l’homme pour exploiter les richesses de la nature.
Au revers, le profil de l’empereur Napoléon Ier, réalisé par Jean-Bertrand Andrieu (1761-1822).
Brenet, Nicolas Guy-Antoine. 1805. « Médaille commémorative de l’Ecole des mines du Mont-Blanc ». Monnaie de Paris.
Bibliothèque de Mines Paris – PSL
L’escalier d’honneur vers les Collections de l’Ecole des mines de Paris
Programme de l’escalier d’honneur
En 1852, pour faire suite aux travaux d’agrandissement réalisés par l’architecte Duquesney dans les années 1840 sous la conduite du directeur Dufrenoy et dans la perspective de l’Exposition universelle de 1855, il est décidé de décorer de peintures à l’huile sur toile marouflée, l’escalier menant aux collections, élément central et stratégique de l’édifice.
Par lettre du 28 mai 1852 à l’administration des Beaux-Arts, Dufrenoy, esquisse à cette fin un véritable programme de travail pour les peintres Abel de Pujol et Hugard de la Tour. Toutefois, plus qu’une question esthétique, Dufrenoy souhaite voir dans ces peintures un outil utile à l’enseignement, un art au service de l’éducation :
« Les peintures de cet escalier qui par sa disposition fait déjà partie des collections de l’Ecole des Mines devaient être en harmonie avec les études auxquelles ces collections se rapportent ; (…) ces peintures devaient par conséquent représenter des vues de localités géologiques célèbres que l’on cite dans les cours à l’appui des théories sur la formation de notre globe notamment le groupe du Mont Blanc et la chaîne du Mont Perdu, exemples les plus remarquables des deux grandes classes de phénomènes qui ont présidé à la formation de la Terre. (…) Mr Hugard, paysagiste distingué, né dans les Alpes (…) dans plusieurs tableaux en a représenté les formes avec une grande vérité et une exécution remarquable. Considérée sous ce point de vue la peinture de l’escalier de l’Ecole des Mines ne serait pas une simple décoration ; elle aurait sa part dans l’instruction en mettant sous les yeux des nombreuses personnes qui suivent les cours des phénomènes devenus classiques par les travaux de Saussure et de Ramond. »
— M. Dufrenoy, Lettre du 28 mai 1852, “Peintures à exécuter dans le grand escalier de l’Ecole”, Archives nationales, F21/61 dossier Abel de Pujol —
Abel de Pujol (1785-1861) habitué aux commandes publiques, reconnu pour ses plafonds du Louvre et dont il s’agit là de son dernier grand ensemble, met en avant le rôle de l’Ecole et s’efforce d’inspirer les élèves et visiteurs à travers cinq plafonds néoclassiques : La Science instruisant la jeunesse, la géologie et la minéralogie ; l’Apothéose des grands hommes qui se sont distingués dans la géologie, la minéralogie et la chimie et Cybèle montrant à Vulcain les trésors de la terre.
Hugard de laTour (1818-1886) pour sa part réalise pour les murs dix peintures de sites géologiques : Le Mont-Blanc vu du Gramond ; La Cascade d’Arpenaz ; Le Cirque de Gavarnie ; Le Pont au diable et la via Mala ; L’Etna ; La Grotte de Fingal ; Les Gorges de la Tamina ; La Cascade de Bérard et La Grotte de glace de l’Arveyron.
Entre les représentations des sites sont placés des panneaux de peinture murale reproduisant en trompe l’œil des marbres, des agates, des brèches métamorphisées, des conglomérats dont certains issus de la collection des marbres et pierres de France donnée à l’Ecole par Héricart de Thury.
Photographies de l’escalier d’honneur
Photographie et carte postale de l’escalier menant aux collections minéralogiques de l’École des mines de Paris. s. d. Cote : 10054ccl.Ph2 et 10647 ccl.Ph.4.
Asseline, Stéphane. 2020. Photographies de l’escalier menant aux collections minéralogiques de l’École des mines de Paris.
Les peintures d’Hugard de la Tour
Le Mont Blanc vue du Gramond
Hugard de la Tour, Claude-Sébastien. Le Mont Blanc vue du Gramond, 1853. Photographie de Stéphane Asseline pour la région Ile-de-France.
Mesures d’origine : 400×280 cm.
Le choix du sujet de cette œuvre qui occupe une place privilégiée dans la composition de l’escalier, a été effectué dès 1852. Dufrenoy et Elie de Beaumont le rattachent explicitement aux descriptions de H.B. de Saussure.
« Le premier objet de mon étude fut le Mont-Blanc. Il se présente ici de la manière la plus brillante et la plus commode pour l’observateur.
— Henri-Benedict Saussure, Voyage dans les Alpes, 1796-1804 —
On l’embrasse d’un seul coup-d’œil, depuis sa base jusqu’à sa cime, et il semble avoir écarté et rejeté sur ses épaules son manteau de neiges et de glaces pour laisser voir à découvert la structure de son corps. Taillé presqu’à pic dans une hauteur perpendiculaire de 1600 toises, les neiges et les glaces ne peuvent s’arrêter que dans un petit nombre d’échancrures, et il montre partout à nu le roc vif dont il est composé »
Hugard de la Tour, d’origine savoyarde et élève des peintres suisses Didier et Calame, se voit financer un voyage sur place pour se mettre dans les pas du précurseur de l’étude scientifique du Mont-Blanc.
Adoptant ici pleinement le point de vue de Saussure, l’artiste consacre entièrement son œuvre monumentale à la montagne, au contraste entre les étendues enneigées et le roc, soulignant la structure tectonique particulièrement visible depuis le Gramond.
Le peintre a réalisé une copie de ce tableau aujourd’hui exposée au Musée Alpin de Chamonix.
La Grotte de glace de l’Arveyron (Chamonix)
Hugard de la Tour (1818-1886), Claude-Sébastien. La Grotte de glace de l’Arveyron (Chamonix), 1859.
Photographie de Stéphane Asseline pour la région Ile-de-France.
Mesures d’origine : 372×132 cm.
Il s’agit de la dernière des dix œuvres ornant l’escalier de la série qui fut réalisée. Destinée à être installée au rez-de-chaussée à proximité immédiate de l’escalier, le choix du sujet revient à Elie de Beaumont au début de l’année 1858, sans consultation du ministère des Beaux-Arts. Le certificat d’achèvement date du 24 janvier 1859. Tout comme pour le Mont-Blanc, c’est le site géologique qui constitue ici l’entièreté du sujet de l’œuvre dans un plan resserré sur le cheminement du glacier et les couleurs de la glace d’où s’échappe le cours d’eau.
Trois ans plus tard, l’artiste réalise un autre tableau adoptant un point de vue différent sur le même objet dans lequel l’exploit de l’homme défiant la nature trouve sa place au sein du paysage Alpin :
La Mer de Glace (1862).
« C’est l’un des objets les plus dignes de la curiosité des voyageurs. Que l’on se figure une profonde caverne, dont l’entrée est une voute de glace, de plus de cent pieds d’élévation, sur une largeur proportionnée ; cette caverne est taillée par la main de la nature, au milieu d’un énorme rocher de glace, qui ; par le jeu de la lumière, parait ici blanche et opaque comme de la neige, là, transparente et verte comme l’aigue marine. Du fond de cette caverne sort avec impétuosité une rivière blanche d’écume et qui souvent roule dans ses flots de gros rochers de glace. En élevant les yeux au-dessus de cette voûte, on voit un immense glacier couronné par des pyramides de glace, du milieu desquelles semblent sortir l’obélisque du Dru dont la cime va se perdre dans les nues »
— Henri-Benedict Saussure, Voyage dans les Alpes, 1796-1804 —
Le cirque de Gavarnie
Hugard de la Tour (1816-1886), Claude-Sébastien. Le cirque de Gavarnie, 1855.
Photographie de Stéphane Asseline pour la région Ile-de-France.
Mesures d’origine : 360×230 cm.
Tout comme Le Mont Blanc, le sujet de cette œuvre est fixé par l’Ecole dès 1852 et donne lieu à un voyage sur place d’Hugard de la Tour en 1853 pour rendre la vérité de la nature et retrouver les descriptions de Louis Ramond de Carbonnières (1755-1827).
Ramond, botaniste et géologue, fut véritablement conquis par la beauté des paysages des Pyrénées où il se réfugia pour échapper aux troubles de la Révolution. Son œuvre fonde l’étude des Pyrénées comme Saussure celle des Alpes. Empreinte d’un certain romantisme, elle donne à voir au-delà des observations géologiques de l’auteur, son émoi face à la nature.
« On passe enfin le Gave (…) et l’on trouve ce que l’on appelle l’Auberge de Gavarnie et un peu plus loin le village même, d’où les montagnes du fond présentent, presqu’en entier, leur mur semi-circulaire, les neiges qui en chargent les gradins, les rochers à figure de tours qui le couronnent, et les nombreuses cascades qui se précipitent dans le cirque inférieur. Cette belle masse est la partie la plus considérable du Marboré. Son volume et sa hauteur la feraient croire très-voisine de Gavarnie, mais sa couleur qui tient de l’azur des hautes régions de l’atmosphère, et de l’or de la lumière répandue sur les objets distans, avertit qu’on aura plus d’un vallon à parcourir, avant de l’atteindre »
— Louis Ramond de Carbonnières, Voyage et observations faites dans les Pyrénées pour servir de suite aux Lettres de W. Coxe sur la Suisse, 1789 —
Donnant cette fois une place à la présence humaine qui permet de se rendre compte de l’échelle du site, cette toile fut jugée dans la revue des Beaux-Arts, pour le Salon de 1854 comme une : « vaste et lumineuse composition ». Le peintre a porté particulièrement attention au jeu entre la lumière et la neige.
En 1858, au moment de l’installation de la toile il tient à rectifier les dommages de l’accrochage : « je voulais donner quelques vigueurs au premier plan et faire revivre les glaces qui avaient été effacées par le collage ».
Géologie et glaciers dans les réseaux savants
Au 19e siècle Elie de Beaumont, professeur de géologie, nourrit un important réseau scientifique grâce à ses fonctions au Collège de France, à la Société géologique, ou à l’Académie des sciences. Dans les années 1840, il échange avec les plus éminents spécialistes sur la théorie des âges glaciaires : Agassiz, Brongniart, Collomb, Desor, Martin. Dans le cadre de la commission du Nord, il charge J. Durocher d’en vérifier la réalité en Scandinavie.
Son successeur, Chancourtois, accompagne en 1846 un voyage diplomatique et scientifique dans les mers du Nord. Le rôle des glaciers trouve progressivement sa place dans les cours de géologie.
Elie de Beaumont au cœur des échanges
Portrait d’Elie de Beaumont. s. d. Cote : CCL photographies des enseignants, lettre E.
Léonce Elie de Beaumont, professeur de géologie à l’Ecole (1835-1874) et au Collège de France (1832-1874), membre puis secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences (1845-1874) et sénateur (1852-1870), est un éminent géologue, auteur de la 1ère carte géologique de France.
Si la question des glaciers ne constitue pas le cœur de ses recherches, il contribue à la réflexion menée sur la théorie glaciaire – qui ne le convainc pas – en encourageant les observations sur le terrain et en correspondant avec les acteurs majeurs du débat. Ses archives témoignent des controverses liées à l’émergence puis la reconnaissance de la « théorie glaciaire ».
Agassiz et Von Buch : controverse sur la théorie glaciaire
Louis Agassiz (1807-1873)
Lettre à Elie de Beaumont, 10 septembre 1844. Fonds Elie de Beaumont. Cote : Ms 65/1/80
Source : Bibliothèque patrimoniale numérique de Mines Paris – PSL
Dans cette longue lettre à Elie de Beaumont, Louis Agassiz fait état de manière précise et détaillée de ses observations sur le glacier de l’Aar dans le cadre de ses campagnes annuelles.
Il rend compte aussi de la visite de Léopold Von Buch, géologue allemand opposant de la théorie glaciaire. « J’ai évité de lui parler glaciers, ne voulant lui faire de la peine », indique-t-il, tandis que Von Buch aurait prédit de son côté « la mort de toutes ces sottes théories glaciaires, dont l’absurdité ressort déjà du seul fait qu’elles glacent l’imagination » !
La théorie glacière ne s’est imposée que très progressivement au 19e siècle, entre autres aux dépens des théories diluviennes attribuant à l’eau le déplacement des blocs erratiques.
Collomb, correspondant sur le terrain
Edouard Collomb (1801-1875),
Lettre à Elie de Beaumont, 22 septembre 1845.
Cote : Ms 65/1/85
Source : Bibliothèque patrimoniale numérique de Mines Paris – PSL
E. Collomb, géologue ayant fréquenté « l’hôtel des Neuchâtelois » à proximité du glacier de l’Aar rend ici compte à Elie de Beaumont des résultats constatés durant ses semaines d’observations en compagnie de M Desor. Ces multiples observations sur différents lieux permettent à Edouard Collomb, Louis Agassiz et d’autres partisans de la théorie des glaciers, d’apporter des éléments probants décisifs à leurs conceptions.
Grâce à cette correspondance, Elie de Beaumont est tenu au courant de l’avancée des recherches menées sur la théorie glaciaire sans se rendre lui-même sur les glaciers. Certaines des lettres qu’il reçoit lui sont transmises afin d’être communiquées selon son jugement à l’Académie des sciences dont il est membre et diffusées à travers les Comptes rendus hebdomadaires.
Collomb Edouard, Preuves de l’existence d’anciens glaciers dans les vallées des Vosges : du terrain erratique de cette contrée, 1847
Cote : EMP 0002.006/11
Source : ETH-Bibliothek Zürich
Durocher, envoyé en observation
Portrait de Durocher. s. d. Cote : 10 144 / CCL Ph.13.
Joseph Durocher effectue un premier voyage d’étude dans les pays nordiques avec la Commission du Nord entre 1838 et 1840, dont les objectifs géologiques sont fixés par son ancien professeur à l’Ecole des mines de Paris, Léonce Elie de Beaumont, membre de l’Académie des sciences. Parmi ces objectifs, l’observation et la récolte d’échantillons permettant d’alimenter le débat sur la théorie glaciaire.
Entre les consignes de 1838 et les rapports d’Elie de Beaumont sur les mémoires de Durocher, on perçoit la controverse entre théories diluviennes et glaciaires. Elie de Beaumont adopte d’ailleurs lui-même à partie de 1842 l’expression « phénomène erratique », plus neutre que celle de « diluvium ».
Contesté sur ses conclusions, Durocher retourne en Scandinavie en 1845-1846 et publie au sein des Annales des Mines une nouvelle étude plus complète où il révise partiellement ses positions.
Rapport manuscrit transmis à Elie de Beaumont avec illustrations sur le panneau et version publiée dans les Annales des mines.
Cote : Ms 65/4/5 et Annales des mines, 4e série, tome XII, 1847.
Source : Bibliothèque patrimoniale numérique de Mines Paris – PSL
L’Ecole et le climat (19e – début du 20e s.)
D’autres recherches font progresser la connaissance du climat. On citera celles d’Ebelmen sur le cycle du carbone, de Zeiller paléobotaniste des forêts tropicales du carbonifère ou d’Idrac. Ce dernier, précurseur du radiosondage, étudie l’atmosphère et les courants aériens. Il est l’un des compagnons du commandant Charcot dans le Grand Nord.
Ebelmen : observation sur les effets de “l’acide carbonique”
Portrait d’Ebelmen. s. d. Cote : EMP 10 709 / CCL Ph.24.
Entre 1845 et 1851, Ebelmen, professeur de docimasie à l’Ecole, présente ses travaux de géologie à l’Académie des sciences.
Il met en avant l’importance, dans la décomposition des roches de surface, de la présence d’acide carbonique (CO2) dans l’air et l’eau, qui se trouve mécaniquement absorbé par le terrain.
Il associe ainsi des causes géologiques à celles déjà connues de l’action des plantes et animaux sur la composition de l’atmosphère et des eaux.
Dans ses conclusions il souligne toute l’incidence que peut avoir cette question sur la vie terrestre et il invite ainsi à se préoccuper, dès 1851, avec « très grand intérêt » pour l’avenir, de mesurer la teneur en acide carbonique dans l’environnement. Ce dernier entraîne en effet « une plus forte condensation de la chaleur solaire, et des phénomènes atmosphérique d’une bien plus grande intensité ».
Ebelmen, Jacques-Joseph, Chevreul, Eugène. 1861. Chimie, céramique, géologie, métallurgie, revu et corrigé par M. Salvétat, précédé d’une notice sur la vie et les travaux de l’auteur par M. E. Chevreul. Paris : Mallet-Bachelier. Cote : EMP Prof. 189-191.
Zeiller : paléobotanique et climat
Portrait de René Zeiller (1847-1915). s. d. Cote : EMP 10 214 / CCL Ph.13.
D’origine lorraine, le professeur Zeiller a étudié à l’Ecole des mines de Paris au sein du Corps des mines (promo 1867).
Après ses premières découvertes en paléobotanique en 1871, il propose des conférences sur le sujet à l’Ecole en 1878. En 1881, on lui confie la conservation de la collection dédiée avant de le nommer professeur-adjoint en 1909. Il est vice-président du Conseil général des mines en 1911.
Bien qu’invitant les paléobotanistes à la prudence dans leurs conclusions, du fait des échantillons fragmentaires sur lesquels ils travaillent, R. Zeiller rappelle les résultats obtenus sur la connaissance du climat.
Vers la fin des temps primaires, une modification de la végétation « due peut-être à des phénomènes glaciaires » a ainsi été repérée. Elle est aujourd’hui identifiée sous le nom de glaciation du Karoo (-320 à -260 Ma) à la jonction du carbonifère et du permien.
Il cite également en modèle les travaux menés en Scandinavie « où l’étude minutieuse lit par lit, des moindres débris végétaux (…) a permis de suivre toutes les oscillations climatériques depuis l’époque glaciaire ».
Collectif dont René Zeiller (1847-1915)
De la méthode dans les sciences. Deuxième série, F. Alcan, Paris, 1911.
Cote : EMP 0032.702/Arm 31.
Source : Biodiversity Heritage Library
Idrac : mesures des conditions atmosphériques en haute altitude
Pierre Idrac est chef de travaux pratiques de métallurgie, puis de physique et de chimie industrielle à l’Ecole des mines de Paris (1912-1935). Il œuvre parallèlement à l’Ecole Polytechnique et comme chef de l’Observatoire météorologique de Trappes. Peu de temps avant sa mort, il est nommé professeur à l’Institut d’Océanographie.
Le 8 mars 1927, avec le physicien Robert Bureau, il réalise la première expérience réussie de radiosondage par onde courte depuis la stratosphère (plus de 13 km d’altitude) grâce à un émetteur fixé à un ballon-sonde. Ce succès ouvre la voie aux opérations de mesures en haute-altitude des conditions atmosphériques.
Idrac, Pierre. 1926. « Le Vol des albatros : observations et expériences au cours d’une mission d’étude dans les mers polaires sud ». Recherche et invention, no 110 (mars). Cote : EMP 49.322/CCL 725.
Passionné par le vol à voile des oiseaux auquel il consacre sa thèse en 1921, Pierre Idrac étudie cette question en Afrique et dans les régions polaires du nord et du sud.
Il accompagne sur ce sujet le commandant Charcot en 1925, 1926 et 1929 sur le Pourquoi Pas ? au Groenland, aux Iles Hébrides, Feroë, Jean Mayen et en Islande.