Jacquinot, Voyage au Pôle sud et dans l’Océanie sur les corvettes l’Astrolabe et la Zélée, 1843
L’exposition > Les régions polaires
Les territoires d’exploration
Après les grandes découvertes du 15e siècle, les expéditions vers les régions polaires, possédant à des degrés divers un caractère scientifique, se multiplient jusqu’au 20e siècle. Les conditions extrêmes de ces expéditions dans un monde inconnu donnent naissance à une iconographie abondante alliant scènes effrayantes et fascination.
L’Arctique : de nouvelles routes commerciales ?
Dès 1497, des navigateurs cherchent à ouvrir de nouvelles routes commerciales vers l’Asie par le Nord de l’Amérique et de l’Eurasie. De nombreuses expéditions s’aventurent dans ces passages inexplorés. La plupart sont infructueuses jusqu’aux environs de 1900 et certaines se terminent parfois même tragiquement, marquant les esprits. Elles permettent de découvrir de nouveaux territoires et d’améliorer la connaissance géographique des mers et côtes du Grand Nord. Le Groenland, parfois confondu avec le Spitzberg, est ainsi redécouvert. L’ensemble de ses côtes et de son inlandsis sont explorés au début du 20e siècle.
Redécouverte du Groenland, 1763
L’ouvrage ci-dessous est une présentation du Groenland redécouvert par les Européens plusieurs siècles après la disparition des colonies vikings des 10e siècle au 15e siècle.
La carte est probablement l’une des plus anciennes représentations du sud du Groenland.
Hans Egede (1686-1758), surnommé « l’Apôtre du Groenland », est un missionnaire danois qui fut l’un des premiers traducteurs de la langue groenlandaise.
Egede, Hans. 1763. Description et histoire naturelle du Groenland. Genève : C. & A. Philibert. Cote : EMP 12° Res 51.
Source : Internet Archive
Des expéditions au péril de la vie
Blake, Vale Euphemia. 1874. Arctic experiences: containing Capt. George E. Tyson’s wonderful drift on the ice-floe, a history of the Polaris expedition, the cruise of the Tigress, and rescue of the Polaris survivors. To which is added a general Arctic chronology. New York : Harper & Brothers. Cote : 10 187/143.
Bibliothèque de Mines Paris -PSL
L’expédition Polaris est une expédition polaire dirigée par l’explorateur américain Charles Francis Hall et financée par le gouvernement américain qui a tenté sans succès d’atteindre le pôle Nord en 1871. Elle est marquée par les dissensions entre les officiers et, après la mort de Hall, par la désorganisation : dix-neuf membres de l’expédition se retrouvent séparés du navire. Ils dérivent sur un morceau de banquise durant six mois en parcourant 2 900 km avant d’être secourus.
Source : Internet Archive
Expéditions polaires : des objectifs scientifiques, économiques et politiques
Au cours des mois d’été de 1876 à 1878, l’expédition norvégienne en mer du Nord (ou expédition Vøringen) a exploré de façon approfondie la mer de Norvège et une partie de l’est de la mer du Groenland, au large du Spitzberg et de l’ouest de Barents.
Si l’expédition comporte un volet scientifique, elle est menée largement au service de la pêche, la Norvège cherchant à justifier ses revendications économiques de ces espaces. Elle marque aussi le début de la politique d’expansion de la Norvège, qui a conduit à l’annexion de régions arctiques telles que le Spitzberg (1925), Jan Mayen (1930) et certaines parties du Groenland.
Les lithographies illustrant le volume ont toutes été réalisées à partir d’aquarelles réalisées par le personnel scientifique de l’expédition, comme le météorologiste Henrik Mohn.
Wille, Carl Fredrick, Hercules Tornøe, et Henrik Mohn. 1887. Den Norske Nordhavs-expedition, 1876-1878. Förste bind = The Norwegian North-Atlantic Expedition, 1876-1878. First volume. Vol. 1. Christiania : Grøndahl. Cote : EMF 4 544-4.
Bibliothèque de Mines Paris -PSL
L’Antarctique : un nouveau monde
De l’Antiquité au 18e siècle, l’existence de l’Antarctique est controversée. Alors que le cercle polaire est franchi en 1773 par Cook, elle ne sera confirmée qu’en 1819 par le capitaine William Smith. Après quelques incursions sur le continent dans la première moitié du 19e siècle, l’exploration de l’Antarctique s’intensifie entre 1895 et 1922. La « course au pôle Sud » est remportée par Roald Amundsen en 1911, tandis que progresse le souci d’approfondir les connaissances scientifiques en météorologie, glaciologie, zoologie et de compléter la cartographie de ce nouveau continent.
Arrivée en Terre-Adélie
L’expédition commandée par Dumont d’Urville lui est confiée par le roi Louis-Philippe, avec mission d’atteindre « les parages voisins du pôle austral ». L’Astrolabe et la Zélée, ce dernier navire étant commandé par Jacquinot le second de l’expédition, appareillent le 7 septembre 1837. L’expédition, talonnée par James Clark Ross dans ses explorations vers le Sud, parvient à trouver une terre en Antarctique qui fut baptisée Terre Adélie en l’honneur de l’épouse du commandant.
Le volume présenté ici est l’un des 20 volumes édités au retour de l’expédition jusqu’en 1855 par Jacquinot, après le décès accidentel de Dumont d’Urville en 1842 en France.
Jacquinot, Charles Hector. 1843. Voyage au Pôle sud et dans l’Océanie sur les corvettes l’Astrolabe et la Zélée, exécuté par ordre du roi pendant les années 1837-1838-1839-1840, sous le commandement de M. J. Dumont d’Urville, capitaine de vaisseau. Vol. 1. 17 vol. Atlas pittoresque. Paris : Gide. Cote : EMP TG 10.
Bibliothèque de Mines Paris -PSL
La Belgica : 13 mois d’hivernage forcé sur la banquise
L’expédition antarctique belge ou la Belgica, du nom du navire, est menée par Adrien de Gerlache de Gomery de 1897 à 1899. C’est la première expédition belge en Antarctique et la première aussi à hiverner dans la région : la Belgica prise dans les glaces dérivera avec la banquise pendant 13 mois.
Elle revendique des objectifs purement scientifiques avec une équipe internationale et lancera les grandes nations à la découverte du continent austral.
La photographie montre la Belgica prise dans les glaces. La carte, itinéraire de sa dérive par le commandant Adrien de Gerlache, témoigne du soin apporté au relevé des positions.
Arctowski Henryk, Lecointe Georges, et Racovitza Emil. 1900. Expédition antarctique belge sous le commandement de Adrien de Gerlache 1897-1899 : conférences. Bruxelles : Société royale belge de géographie. Cote : EMP 30.275/500.
Bibliothèque de Mines Paris- PSL
Le commandant Charcot au Pôle Sud
En 1903, Jean-Baptiste Charcot monte la première expédition française en Antarctique, et y hiverne jusqu’au 4 mars 1905. Il réalise ainsi le premier hivernage d’une expédition scientifique française dans les Pôles, après celui du belge de Gerlache sur la Belgica entre 1897 et 1899 et celle de Nansen sur le Fram vers le pôle Nord entre 1893 et 1896.
Les objectifs scientifiques sont dépassés : 1 000 km de côtes découvertes et relevées, trois cartes marines détaillées, 75 caisses d’observations, de notes, de mesures et de collections destinées au Muséum national d’histoire naturelle.
Le volume présenté ici fait partie de l’édition originale, bien reconnaissable à sa jaquette illustrée dans un style « Art nouveau ».
Charcot, Jean-Baptiste. 1906. Le « Français » au Pôle Sud : journal de l’expédition antarctique française 1903-1905. Paris : E. Flammarion. Cote : EMP 500 858.
Source : BnF / Gallica
L’expédition de Charcot en Antarctique embarque parmi l’équipage cinq scientifiques, dont Ernest Gourdon, en tant que géologue, qui fera cette thèse à partir de ses observations.
Un photographe, Paul Pléneau, est également de la partie, rapportant de nombreuses photos sur plaque de verre témoins en particulier de l’hivernage du « Français » et de la vie quotidienne des membres de l’expédition.
Les territoires de recherche
Une recherche internationale
Face à la multiplication d’expéditions concurrentes, des voix se font entendre dès 1880 pour des recherches scientifiques coordonnées et systématiques des régions polaires.
A partir de 1882, l’organisation d’années polaires internationales favorise le développement de la recherche scientifique et l’installation de bases permanentes en Antarctique. Lors de la 3e édition de 1959, en pleine guerre froide, le Traité de l’Antarctique ratifie la priorité de la coopération internationale pour la collecte des données sur les rivalités territoriales.
Voyage “par ordre du roi d’Angleterre”
Le 4 juin 1773 Constantine John Phipps quitte Deptford pour gagner le pôle Nord. L’expédition comporte deux navires, le Racehorse et le Carcass. Phipps est accompagné par le Dr Irving, comme naturaliste et médecin de bord, et Israel Lyons, comme astronome.
Ils naviguent jusqu’au Svalbard (Spitzberg) et aux Sjuøyane (Sept Îles) qu’ils atteignent le 29 juin, mais les glaces les obligent à revenir à Orford Ness (En) le 17 septembre. C’est durant ce voyage que Phipps observe l’ours blanc et le morse qu’il décrit en 1774 dans son récit de voyage.
Phipps, Constantin-Jean. 1775. Voyage au pôle boréal, fait en 1773, par ordre du roi d’Angleterre. Paris : chez Saillant & Nyon. Cote : EMP 7 059/225.
Bibliothèque de Mines Paris – PSL
Un ingénieur des mines dans mes mers du Nord
Du 16 juin au 6 octobre 1856, Napoléon-Jérôme, dit le prince Napoléon, conduit un voyage dans les mers du Nord à bord de la corvette « La Reine Hortense », visitant l’Ecosse, l’Islande, l’Ile de Jean Mayen, le Groënland, les îles Feroë et Shetland et les pays Scandinaves.
S’il est en partie « touristique », ce voyage comprend une dimension scientifique avec par exemple la présence à bord du géologue Béguyer de Chancourtois, membre du Corps des Mines, qui enseigne à l’Ecole des mines de Paris.
La part de la diplomatie n’est pas à négliger non plus dans le contexte de la séparation récente de la Suède et de la Norvège.
Chojecki, Charles-Edmond. 1857. Voyage dans les mers du nord à bord de la corvette La Reine Hortense. Paris : M. Lévy frères. Cote : EMP 10.451/203.
Source : BnF / Gallica
Campagne océanographique jusqu’aux confins de l’antarctique
L’expédition du H.M.S. Challenger fut la première grande campagne océanographique mondiale. Elle fut réalisée par une équipe de scientifiques à bord de la corvette britannique H.M.S. Challenger entre décembre 1872 et mai 1876.
Le bateau parcourut plus de 120 000 km et sillonna entre autres l’océan austral, côtoyant de nombreux icebergs, sans toutefois s’approcher de la banquise antarctique.
Thomson, Charles Wyville, Murray, John. 1895. Report on the scientific results of the voyage of H.M.S. Challenger during the years 1873-76. Londres : Her Majesty’s stationery office. Cote : EMF 4533-4.
Source : Biodiversity Heritage Library
Fiction et pôles
Dans la seconde moitié du 19e siècle les expéditions polaires sont un sujet largement exploité par les articles de vulgarisation ou de journaux ainsi que dans de nombreuses fictions.
Jules Verne et les vulgarisateurs
Jules Verne est l’un des écrivains français qui l’a le plus traité, puisque nous le retrouvons comme thème principal dans des Voyages extraordinaires et que cinq autres l’abordent à un moment du récit :
Un Hivernage dans les glaces, 1855
Capitaine Hatteras, 1866
Au Pays des fourrures, 1873
Epave du Cynthia, 1885
Sphinx des glaces, 1897
Ce milieu inconnu et dangereux, que Verne qualifiera de « Sublime horreur », est un terrain favorable à l’épanouissement d’un suspense intense. C’est aussi pour l’auteur l’occasion d’expliquer de nombreux phénomènes physiques étonnants et spectaculaires et de s’emparer du vocabulaire décrivant la banquise.
Les moyens pour s’approcher des pôles sont des plus variés et Jules Verne devient visionnaire quand il y envoie ballon, dirigeable ou sous-marin. En retour, certains explorateurs ne manqueront pas de lui rendre hommage dans le choix du nom de leur moyen de transport, tel Hansen et le Fram – clin d’œil au Foreward du capitaine Hatteras – ou bien le Nautilus.
Jules Verne construit des récits exceptionnels au service d’une histoire captivante où les descriptions sont largement inspirées de journaux de voyage qui ont influencé en retour écrivains, vulgarisateurs ou journalistes.
Verne, Jules. 1922. Les aventures du capitaine Hatteras. Paris : Hetzel. Collection privée.
Jacquinot, Charles Hector. 1843. Voyage au Pôle sud et dans l’Océanie sur les corvettes l’Astrolabe et la Zélée. Vol. 1. 17 vol. Atlas pittoresque. Paris : Gide. Cote : EMP TG 10.
Blake, Vale Euphemia. 1874. Arctic experiences: containing Capt. New York : Harper & Brothers. Cote : 10 187/143.
A gauche, une illustration de l’une des œuvres de Jules Verne. A droite, deux illustrations provenant de rapports d’expéditions du pôles Nord et du pôle Sud.
Verne, Les aventures du capitaine Hatteras, 1922
L’Antarctique, mémoire du climat
La glace accumulée depuis des centaines de milliers d’années est considérée par la paléoclimatologie comme l’une des archives de la Terre et un observatoire privilégié pour l’étude des climats passés et présents.
L’analyse de la composition des bulles d’air piégées dans la glace joue en effet un rôle essentiel dans la compréhension des différents mécanismes impliqués dans l’évolution naturelle du climat sur les derniers 800 000 ans.
De nombreux scientifiques ont travaillé sur ce sujet. Les Français Claude Lorius et Jean Jouzel ont mis en évidence le lien entre la concentration atmosphérique en gaz à effet de serre et l’évolution du climat.