Là encore, plusieurs méthodes sont en usage selon les endroits. Elles co-existent parfois. Il s’agit du feu, de la poudre et de la nitroglycérine, élément utilisé dans la dynamite.
Tout d’abord le feu : c’est une technique simple et sûre. Elle est utilisée dans la majorité des mines scandinaves. La roche chauffée devient plus friable et le travail du mineur en est facilité. Cependant, elle a deux inconvénients : c’est une technique très lente et la fumée empêche les ouvriers de travailler et les force à arrêter le travail pendant que le feu est allumé.
Jean Charles Galissard de Marignac écrit en 1839 qu’à la mine de Kongsberg en Norvège, “on désagrège la roche par le feu avec des bûchers en bois de sapin, entassés jusqu’au faîte de la galerie. On met le feu vendredi matin à 11h et les ouvriers sortent pour revenir lundi matin“.
En 1864, toujours à Kongsberg, Edmond Nivoit explique également les usages du feu, signe que ce système est toujours utilisé 25 ans après le passage de Galissard de Marignac : “Lorsque le feu a agi un temps suffisant sur la roche, on le laisse s’éteindre puis douze heures environ après l’extinction, les ouvriers pénètrent dans l’intérieur de la galerie et font l’abattage au marteau. L’avancement moyen est de deux à quatre mètres par mois“.
L’aspect économique entre également en jeu : “le prix de revient du mètre cube de roche abattu [par le feu] est environ moitié moindre car le bois est très bon marché à Kongsberg. Seulement, l’économie produite n’est pas dans le même rapport à cause de la grande proportion de stères que l’on utilise pour abattre le feu“. La technique en usage semble varier en fonction des particularités locales, à la fois autour et dans la mine. A Kongsberg, lors du passage de Nivoit, une seule galerie est creusée grâce au feu.
Octave Keller explique en 1861 qu’à Kongsberg, dans la mines du Roi et des Pauvres qui fait 520 mètres de profondeur, “on fait usage de la poudre ou du feu, suivant la nature de la roche et la grandeur de l’excavation à produire“.
Pour ce qui est de Sala en Suède, Edmond Nivoit indique que “l’abattage à la poudre […] est facilité par l’emploi du feu. A cet effet, dans chacune des chambres, on allume un grand feu de bois le samedi à 6h du soir, c’est-à-dire après la sortie des ouvriers : la mines devient alors inhabitable à cause de la fumée jusqu’au lundi matin où reviennent les mineurs“.
La poudre reste un moyen efficace jusqu’à l’arrivée de la nitroglycérine. Celle-ci prend de plus en plus d’importance depuis sa découverte au milieu du XIXè siècle. La nitroglycérine est sous l’état liquide. Pour faire un bâton de dynamite, on trempe un matériau absorbant dans de la nitroglycérine.
A Röraas,en Norvège, Léon Janet visite une mine profonde de 200 mètres et explique que “la roche est abattue généralement à la poudre, il faut en consommer 5 à 6 kg par mètre cube de roche en place. On a essayé la dynamite mais on lui a reproché de trop pulvériser la pyrite, de sorte que son emploi est restreint aujourd’hui aux parties les plus dures“. Plusieurs techniques peuvent co-exister car chacune semble exceller dans des conditions différentes.
Selon Alfred Focqué, Alfred Nobel (1833-1896), chimiste et fabricant d’armes suédois, aurait réalisé son premier essai de la nitroglycérine à Ameberg en Suède. Ses effets semblent avoir conquis les propriétaires des mines car elle finit par remplacer la poudre.
Ainsi, Paul Chapuy explique en 1886 que “dans les mines de Norberg, on a employé presque exclusivement en 1885 de l’extra-dynamite, mélange de nitro glycérine, de nitrocellulose et de nitrate d’ammoniaque […] quelques essais de la poudre d’ammoniaque composé de nitroglycérine, de nitrate d’ammoniaque et de charbon de bois. L’extra dynamite a paru donner des résultats plus avantageux“. J 1886 (762)
De même, à Persberg, Léon Janet fait part du contexte d’utilisation de la nitroglycérine :”la matière explosive employée est la nitroglycérine pure, qu’on manie là sans prendre plus de précautions qui si c’était une liquide complètement inoffensif. Cependant en 1868, une loi promulguée à la suite d’accidents graves avait complètement proscrit l’emploi de cette substance en Suède. Depuis la loi est un peu tombée en désuétude et c’est ce qui fait que dans ce district on est revenu à l’emploi de la nitroglycérine, sous prétexte de réaliser des économies. Mais il me semble que le défaut de sécurité doit largement compenser la petite amélioration de rendement qu’on y trouverait. Un kilogramme de nitroglycérine abat 12 tonnes de roche“. J 1883 (717)
Il relève toutefois les avantages de ce produit : “cette production (des mines de Persberg) a augmenté depuis dix ans bien que le nombre d’ouvriers ait diminué. Le résultat est dû apparemment à l’emploi des matières explosives“.
Dans le même centre de Persberg, Henri Roux de Bézieux est témoin d’une situation particulière :
“Il n’y a rien de particulier à dire du travail des hommes et sur l’emploi des outils. Je dirais seulement que la nitroglycérine est employée. Les ingénieurs en sont très fiers, ils prétendent être les seuls à s’en servir en suède. Ce que je peux dire c‘est qu’ils l’employent sans aucune espèce de prudence et qu’ils sont heureux de n’avoir pas plus d’accident. J’ai vu un mineur qui travaillait dans une galerie d’avancement ayant une bouteille remplie de nitroglycérine placée dans sa veste tout près de sa lampe. Il voulait nous la montrer et jouait avec, la tenant d’une main tandis que de l’autre il avait sa lampe.” J 1883 (705)
La dynamite n’est cependant pas une solution miracle. Dans la mine de Sala, Léon Janet remarque que le “tirage se fait à la dynamite. A chaque mètre de terre ne correspond que une tonne et demi de roche abattue. Le rendement est très mauvais parce que le calcaire est fissuré et que la dynamite ne peut pas produire tout son effet“.